Crédit hypothécaire: méfiez-vous des ventes conjointes
La banque qui vous octroie un crédit peut-elle vous imposer différents services comme prendre une assurance ou un compte d'épargne chez elle?
Désireux d'acheter une maison, Jean et sa compagne entament la tournée des banques. Ils souhaitent étudier le marché et identifier l'organisme financier qui leur offrira la formule de crédit la plus intéressante. Quelle n'est pas leur surprise lorsque le gérant de l'un d'eux leur présente un tableau Excel complex leur montrant toutes les diminutions de taux dont ils pourraient bénéficier s'ils souscrivent différents services supplémentaires. -x% s'ils prennent l'assurance incendie auprès de la compagnie liée à la banque, -y% s'ils ouvrent un compte d'épargne auprès de la même institution financière, -z% s'ils s'engagent à y verser plus de 500 euros tous les mois... et la liste est longue. Le cas de Jean et de sa compagne est loin d'être isolé. Mme A, une lectrice de l'Echo, nous a ainsi récemment signalé qu'une banque essayait de lui faire croire que souscrire un crédit pour une quotité supérieure à 125% l'obligeait à prendre l’assurance solde restant dû chez elle.
La règle
Mais qu'en est-il exactement? Que peut faire une banque? Peut-elle conditionner l'octroi d'un crédit à "l'achat" de certains services complémentaires?
La règle est que les offres conjointes en matière de services financiers sont interdites. Pas question donc d'attirer le chaland par une publicité alléchante regroupant plusieurs produits bancaires ou d'assurances.
La règle ne concerne cependant que la publicité. Rien n'empêche en effet la banque qui vous accorde un crédit hypothécaire d'exiger que vous souscriviez une assurance incendie ou une assurance solde restant-dû. Et c'est d'ailleurs raisonnable, en tout cas pour l'assurance incendie. Avec une limite cependant: elle ne peut pas vous obliger à prendre cette police chez elle ou chez un assureur désigné par elle.
La pratique
Tout est toutefois une question de nuance. La banque ne peut pas vous imposer un assureur ou un organisme financier, mais elle peut vous en conseiller un, et vous faire miroiter une ristourne si vous suivez son avis. Elle peut par exemple faire passer le taux de 3,25% à 3% si vous ouvrez un compte d'épargne chez elle. Et de 3 à 2,75% si vous prenez votre assurance incendie chez elle. Rien n'empêche en effet ce genre de pratiques. Et beaucoup de débiteurs hypothécaires se laissent tenter.
"La situation est très opaque. Nous voudrions que les négociations soient plus claires, plus transparentes, et de manière générale qu'il soit interdit de lier deux produits, notamment par un avantage financier, explique Patrick Cauwert, CEO de Feprabel, la Fédération des Courtiers d'assurance et des Intermédiaires financiers de Belgique. Nous avons, il y a 3 ans, relevé les pratiques des différentes banques belges en la matière. L'une d'elles allait même jusqu'à octroyer une réduction si le demandeur de crédit avait, dans le cadre de son contrat de travail, une assurance de groupe chez elle. C'était le sommet de l'exagération. L'assurance de groupe est totalement indépendante du choix de l'emprunteur. Que se passe-t-il s'il perd son travail? Non seulement il se retrouve au chômage, mais en plus il voit le montant de son prêt hypothécaire augmenter? Lors des sinistres, nous constatons aussi souvent que l'expert est moins coopérant quand l'assurance est liée au crédit. Il sait que l'assuré ne pourra pas changer de compagnie sous peine de voir le coût de son emprunt augmenter."
Bref, au moment de négocier votre emprunt, connaissez vos droits et pesez avec soin les conséquences de l'acceptation de l'une ou l'autre réduction.
Source: L'Echo