Economie

Quelle place pour les énergies renouvelables?

Soleil, vent, bois, chaleur issue des entrailles de la Terre. Notre planète regorge de ressources énergétiques inépuisables et moins polluantes que les combustibles fossiles. Mais peuvent-elles les remplacer?


Les combustibles fossiles? Mieux vaudrait en limiter l’usage le plus possible et ce, dès maintenant. D’abord, les réserves ne sont pas éternelles. Surtout, la combustion du pétrole, du gaz et du charbon rejette dans l’atmosphère quantité de gaz à effet de serre. Lesquels, on le sait aujourd’hui, contribuent au réchauffement de la planète.

 

Décliner les émissions

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat est formel: pour "contenir" à la fin du siècle le réchauffement entre 2 et 2,4 °C par rapport à la période préindustrielle, ces émissions doivent être, d’ici 2050, réduites de 50 à 85 % par rapport à 1990. Concrètement, cela signifie que la teneur de l’atmosphère en ces gaz doit rester au-dessous de 450 parties par million en volume d’équivalent CO2 (contre 383 actuellement et 280 avant l’ère industrielle). Pour cela, il est indispensable que les émissions mondiales, issues pour plus de la moitié de la combustion des ressources fossiles, déclinent dès 2015 afin de revenir sous la barre des 23 gigatonnes (Gt) d’équivalent CO2 avant 2030 et à 12 Gt d’équivalent CO2 en 2050. Une gageure, alors qu’elles sont aujourd’hui supérieures à 40 Gt et tant notre appétit énergétique paraît insatiable.

 

Réduire les émissions de gaz

Les données publiées récemment par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sont en effet éloquentes: en 2007, le monde a consommé un peu plus de 12 milliards de tonnes équivalent pétrole (Gtep) d’énergie primaire. Dans l’hypothèse où les politiques énergétiques actuelles seraient maintenues en l’état, ce chiffre pourrait atteindre 17,7 Gtep par an à l’horizon 2030, en particulier en raison de la forte croissance économique des pays émergents, Chine et Inde en tête. Il faudra donc trouver près de 50 % d’énergie en plus tout en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

 

Recours aux énergies renouvelables

Les experts sont unanimes : la priorité est de réduire notre consommation énergétique et donc de faire des économies, dans l’industrie, les transports, l’agriculture ou le bâtiment. Dans l’état actuel de la technologie, il paraît difficile de se passer du nucléaire même si la question de la gestion des déchets radioactifs n’est pas réglée. En outre, les réserves d’uranium, limitées, ne permettront jamais de couvrir l’ensemble des besoins en électricité de la planète. Le recours aux énergies renouvelables - solaire, éolien, biomasse, hydraulique, géothermie, etc. - qui, par définition, sont inépuisables et beaucoup moins polluantes que leurs cousines fossiles, est lui aussi inéluctable.

"A plus ou moins long terme, nous n’avons pas d’autre choix que de les exploiter et d’inscrire nos activités énergétiques au sein des cycles naturels. C’est la seule solution pour minimiser notre empreinte sur l’écosystème terrestre" juge Bernard Multon, du Laboratoire systèmes et applications des technologies de l’information et de l’énergie du CNRS et de l’Ecole normale supérieure à Cachan. Mais les discussions vont bon train quant à leur importance au sein du bouquet énergétique mondial au cours des prochaines décennies.

 

Biomasse comme combustible

Toujours selon l’AIE, les énergies renouvelables ont fourni 1,49 Gtep, en 2007, soit 12,4 % de la production mondiale d’énergie primaire, beaucoup moins que les combustibles fossiles (80,3 %) mais plus que le nucléaire (5,9 %). La biomasse, essentiellement le bois de chauffage et les déchets organiques, est à l’origine de la plus grosse part (9,8 %). Elle est suivie de l’hydraulique (2,2 %) et de la géothermie (0,4 %). En dépit de progrès spectaculaires, le solaire et l’éolien n’ont apporté qu’un peu moins de 0,2 % de l’énergie primaire. La question est donc de savoir si cette part peut, ou non, être augmentée. Et jusqu’où?

Une précision d’abord. A la différence du nucléaire, les énergies renouvelables ne servent pas seulement à faire de l’électricité. Plusieurs filières existent qui permettent aussi de répondre à divers besoins d’énergie finale, celle qui arrive effectivement sous forme de combustibles, de carburant ou d’électricité dans nos maisons ou nos usines. Ainsi, la chaleur nécessaire à la production d’eau chaude sanitaire ou au chauffage des locaux peut être fournie par le solaire thermique, la géothermie à basse température ou la biomasse. Cette dernière est également utilisée dans la cuisson domestique ou comme combustible dans l’industrie, en remplacement du charbon. Elle est aussi à la base des biocarburants.

 

Électricité par l’eau

Quant à l’électricité, elle peut être produite grâce à l’hydraulique bien sûr mais aussi au photovoltaïque et aux centrales solaires thermodynamiques, à l’éolien, à la géothermie "profonde", aux usines marémotrices ou encore à l’énergie thermique des mers. Les énergies renouvelables apportent 12,4 % de la production d’énergie primaire, mais elles couvrent plus de 16 % des besoins en énergie finale.

Evaluer le potentiel de chacune de ces filières à une époque donnée est loin d’être simple. D’abord, ce potentiel dépend de la disponibilité des ressources : la France par exemple ne reçoit pas autant de soleil que le Sahara ; les côtes bretonnes, ventées, sont plus favorables à l’éolien que la Bourgogne, etc. Mais il est aussi fonction de l’évolution des technologies de transformation de l’énergie primaire en énergie finale, ainsi que de la demande locale en chaleur, électricité, combustibles et carburants (s’il n’y a pas de demande, les ressources ne seront pas exploitées). Autant de paramètres qui varient selon les pays en fonction de la démographie, de l’état de développement et du taux de croissance économique, des modes de vie et des politiques énergétiques. C’est à cet exercice compliqué que se sont livrés Benjamin Dessus, Bernard Devin et François Pharabod, membres de l’association de scientifiques Global Chance.

 

Progression

Il ressort ainsi qu’à l’horizon 2020 - 2030, la part d’énergie finale d’origine renouvelable exploitable à des coûts du même ordre de grandeur qu’avec les énergies fossiles et sans concurrence d’usage (les terres agricoles par exemple pour les biocarburants), atteindrait 4 à 5 Gtep par an (contre un peu plus de 1,3 Gtep actuellement) : 3 à 4 Gtep pour les combustibles et carburants issus de la biomasse; 0,6 à 0,9 Gtep pour l’électricité d’origine éolienne, photovoltaïque, hydraulique et géothermique ; 0,2 à 0,3 Gtep pour la production de chaleur directe à partir du Soleil. On le voit, même si le potentiel exploitable est considérable, les énergies renouvelables auront bien du mal à couvrir l’intégralité de nos besoins dans les 20 ou 30 prochaines années.

D’autant que l’exploitation de ce potentiel ne sera pas systématique. Les experts de Global Chance estiment que les énergies renouvelables s’imposeront essentiellement à la faveur de la création de nouvelles unités de production et du déclassement d’équipements obsolètes. Pour eux, les biocarburants peuvent ainsi fournir 50 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) supplémentaires par an, probablement bien plus lorsque la seconde génération, utilisant des plantes entières, et non seulement des graines et des tubercules, arrivera sur le marché à l’horizon 2020. La marge de progression pour le bois et les déchets de bois consacrés à la production de chaleur est, d’après leurs calculs, de l’ordre de 45 Mtep par an, celle de l’éolien, 20 Mtep, de la grande hydraulique, 14 Mtep, du solaire thermique 8 à 10 Mtep, de la géothermie environ 3 Mtep. Enfin, le photovoltaïque peut gagner de 1,5 à 19 Mtep par an. Au final, les énergies renouvelables sont susceptibles de fournir 130 à 150 Mtep supplémentaires chaque année d’ici 2030, sur les 4 à 5 Gtep mobilisables. A ce rythme, la production des énergies renouvelables pourrait atteindre environ 6,7 Gtep en 2050.

 

Il faut de très fortes volontés politiques

Aller plus loin demandera quelques évolutions technologiques. L’éolien et le solaire photovoltaïque par exemple souffrent du caractère fluctuant et aléatoire des ressources. Sans vent ou sans soleil (la nuit), pas d’énergie ! Ces filières ne peuvent donc garantir une puissance régulière, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes lorsque l’électricité produite est envoyée sur les réseaux nationaux. "Le réseau est un système fondamentalement instable mais qui est maintenu en permanence en situation d’équilibre en agissant sur les moyens de production, les systèmes de stockage et la consommation. On peut augmenter la part d’énergie fluctuante à condition d’accroître les capacités de stockage et d’optimiser la demande instantanée, soit de façon tarifaire (les futurs "compteurs intelligents" pourront faire varier les tarifs toutes les trente minutes) soit de façon automatique (les deux étant imbriqués)" explique Bernard Multon.

Mais pour le scientifique les freins sont avant tout politiques, économiques et sociologiques. "Les énergies non renouvelables ne sont pas payées à leur juste prix : irrémédiablement perdues, nocives pour la biosphère, elles devraient avoir une valeur bien supérieure. L’instauration d’une taxe carbone va dans la bonne direction, en rééquilibrant le marché." Quoi qu’il en soit, les énergies renouvelables sont amenées à prendre de l’importance. "Le potentiel est colossal. En une heure, la Terre reçoit du Soleil l’énergie que l’humanité consomme en une année. Il faut juste de très fortes volontés politiques." Et d’autres filières, encore peu matures, gagneront vraisemblablement du terrain comme l’énergie des vagues ou des marées, les éoliennes off-shore etc.

Mais comme l’écrivaient dès 2007 Yves Bamberger, directeur de la recherche et du développement d’EDF, et Bernard Rogeaux, son conseiller : "la question n’est plus de savoir si l’Europe peut encore éviter la coûteuse reconfiguration de son système énergétique, la question est plutôt de savoir à quel moment elle sera faite". Une remarque qui vaut aussi pour le reste du monde. Avec la collaboration du magazine "La Recherche"

 

Source: La Libre Belgique.be, mercredi le 11 août 2010.
 

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