Architecture en gradins

Audacieuse et discrète, contemporaine et inventive, cette maison inscrite dans un terrain en forte déclivité s’offre au paysage environnant tandis que ses terrasses étagées lui assurent un air d’éternelles vacances.

 

Dans ce lotissement des alentours de Liège, Christophe a été séduit par un terrain avec vue plongeante sur un petit val qui bute, en face, sur une colline boisée et serpente vers la droite, pour se perdre à l’infini. Il en a l’intime conviction, c’est ici qu’il habitera. La surface est en très forte déclivité, avec un axe de quarante-cinq degrés. En principe, ce n’est pas vraiment un atout. Mais Christophe a un joker. Son frère est architecte et depuis toujours, il apprécie l’originalité et l’aspect contemporain des maisons que celui-ci crée. C’est à lui qu’il va confier cette réalisation peu évidente.

Premiers pas

Thierry Sherrington voit d’emblée le parti qu’il pourrait tirer des défauts de l’emplacement. « La pente du terrain et le fait que l’on se trouve dans le lotissement d’une zone à caractère rural, avec des prescriptions claires telles que deux pans de toiture et des matériaux imposés, faisaient partie des contraintes de départ. Il fallait aussi minimiser l’impact de la maison dans le paysage, car le lieu, inoccupé depuis des années, procurait une vue magnifique aux personnes des alentours. J’étais néanmoins certain de pouvoir créer quelque chose de plus ambitieux que si je devais partir d’un terrain plat entre deux maisons. Bien sûr, la réalisation n’a pas été des plus simples et les travaux de terrassement ont été particulièrement importants », résume-t-il. Passionné par les principes modernistes et l’architecture de Richard Neutra, il pense à des lignes claires et à un encombrement vraiment minimal côté rue.

« Dès les premières ébauches, j’ai voulu réaliser là un élément simple, transparent et léger », dit-il. « Nous avons effectué des images de synthèse que nous avons été montrer à la commune et avons travaillé en symbiose avec elle et avec les voisins. Le plus difficile à faire accepter a été le crépi blanc, car pas une des habitations du lotissement n’était de cette couleur ». Aujourd’hui, une construction minimaliste, blanche et basse, aux fines colonnades, émerge de façon plus que discrète entre les maisons en brique. Si aérienne que l’aspect initial de ce décor bucolique en est à peine altéré. Pour le reste, l’architecture étagée et adossée au terrain est invisible de la rue et offre aux habitants la magie d’un paysage très présent et toujours changeant en accordant à toutes les pièces une vue ouverte sur l’extérieur.

Travaux conséquents

La mise en œuvre a été longue et difficile. Un terrassement de sept mètres de profondeur, à six mètres de la rue, a été mis en place et consolidé avec des murs en planches métalliques pour sécuriser l’ensemble du chantier. Pas moins de septante-cinq camions de terre ont été évacués. Pour cette partie, il a également fallu assurer une étanchéité impeccable et travailler l’isolation, car il était impensable d’avoir à rouvrir l’endroit. Posés le long de la paroi, des blocs de béton de trente-neuf centimètres ont été recouverts d’une isolation étanche traditionnelle, pratiquée à peu près partout, avec cimentage, goudronnage, coaltar et une couche bitumeuse étanche – comme pour les toitures plates – côté terre. « À partir du moment où on accepte d’acheter un terrain comme celui-là, on sait qu’à la base, on ne le paie pas cher, mais qu’il faudra investir la différence dans le terrassement », remarque Christophe.

Au niveau du projet, propriétaire et architecte ont été sur la même longueur d'onde dès les premières esquisses. Avoir un mur contre terre permet de jouir d’un maximum d’intimité par rapport à la rue et laisse la part belle à de très larges baies vitrées pour apprivoiser le paysage. La structure de la maison est traditionnelle, mais avec beaucoup de béton armé, notamment pour réaliser le porte-à-faux, l’élément fort de l’endroit qui, telle une nacelle, semble suspendu en pleine nature. « Lorsque nous entrons dans cette pièce, nous sommes irrésistiblement attirés par cette grande baie vitrée qui court du sol au plafond, et par le paysage qu’elle laisse entrevoir. Grâce à elle, nous avons l’impression d’avoir un tableau qui possède une vraie présence et change d’heure en heure », appuie Christophe. « Cette vue, c’était l’élément majeur. L’angle vitré et ce porte-à-faux vous projettent vraiment dans la nature. Il n’y a rien devant et lorsque vous êtes installé dans un fauteuil face aux arbres, c’est d’une énorme quiétude », renchérit Thierry.

Cèdre, crépi et transparences

Christophe a opté pour le crépi et le bois de cèdre comme revêtement extérieur. Les deux matériaux s’entremêlent, mais jamais dans le même plan. « Le bois se déplie d’un côté et revient de l’autre puis, interrompu par le verre des fenêtres, se poursuit par le crépi pour redescendre d’un autre côté, comme s’il venait soutenir l’élément en porte à faux. On essaie toujours d’avoir le crépi et le bois à la même hauteur. Ce sont de petits détails, mais ils assurent l’élégance de l’habitat », explique Thierry Sherrington. Pour éviter le changement de couleur du bois, peu apprécié par les propriétaires, le cèdre a été huilé et grisé et offre actuellement un aspect clair et moderne en pleine concordance avec le crépi. À l’extérieur, l’habillage en bois reprend précisément les lignes des structures métalliques des fenêtres et s’apparente visuellement à un châssis unique. Les ouvrages sont en retrait et travaillés en dormant sur chant : le vitrage affleure au bardage tandis que le garde-corps en verre, qui préserve toutes les transparences, vient naturellement s’y encastrer devant les parties coulissantes toujours ouvertes en été.

Terrasses en gradins

La maison s’écoule de façon particulièrement harmonieuse du carport jusqu’à la piscine en étalant ses spacieuses terrasses en bois. Le bâtiment est orienté plein nord. Ce n’est pas vraiment un choix, mais le fait d’avoir travaillé avec un volume uniquement en rez-de-chaussée permet d’avoir du soleil au premier étage, de mars à septembre, avec l’avantage d’une température agréable tout au long de l’année. « Cette architecture en gradins m’a été fortement inspirée par des vacances passées à Bormes-les-Mimosas. Toutes les maisons du lotissement étaient totalement intégrées au paysage et noyées dans les collines, tandis que les voitures étaient garées sur les toitures. Le fait de partir avec des terrasses en escalier m’a fait retrouver un peu cet esprit », rappelle l’architecte. Le jardin suit le mouvement en douceur avec de grandes parties plates près de la piscine limitée par une haie de charme. Au-delà, il court presque à pic, mêlant de vertigineuses descentes ornées de graminées, de buis et de symphorines à de petites terrasses en pelouse pour terminer par un drain servant à l’écoulement des eaux.

Circulation fluide

Dans l’entrée au niveau de la rue, l’escalier en béton coffré lissé, préfabriqué en usine pour qu’il soit plus lisse et monté sur place, a été légèrement décollé du mur, offrant ainsi plus de transparence et de légèreté. Il distribue, un étage plus bas, le séjour et, en dessous, les appartements des parents et des enfants. Dans le premier, une grande cuisine voisine avec deux petites pièces encloses réservées aux plus jeunes sur lesquels on peut avoir l’œil (et vice-versa !) grâce à une large incision horizontale, inscrite dans la paroi mitoyenne. Elle occupe un rôle prépondérant et central et, tout en étant légèrement séparée, débouche de l’autre côté sur la salle à manger et le salon. Toutes les communications sont particulièrement aisées. La circulation est très agréablement répartie et ménage de nombreuses ouvertures intérieures et extérieures. La partie réservée aux enfants est coupée équitablement en trois pièces communicantes, face au couloir longé par une armoire qui s’octroie toute la surface du mur. Les deux chambres sont séparées par une salle de bains. Tout comme celui des enfants, l’appartement des parents sera prochainement clos par une porte. On y rentre par le dressing qui longe le mur de la salle de bains avant de buter sur la chambre, qui elle-même s’ouvre sur la terrasse et quelques marches plus bas sur la piscine. Avec un indéniable côté ‘toujours en vacances’, qui est la caractéristique de cette maison, même par temps gris.

Peu de meubles

Chaque niveau comporte une pièce technique également consacrée au rangement. En haut, la chaufferie qui donne sur le carport offre un emplacement pour les vélos et les bottes tout en ouvrant aussi sur le hall d’entrée, qui lui-même inscrit un vaste placard entre deux murs. Plus bas, un espace est réservé à la buanderie et possède un accès à la terrasse. À l’étage des chambres, un local tout en longueur où il est impossible d’avoir de la lumière du jour parce qu’il est enterré, reprend le groupe hydrophore et sert de cave. Très pratiques, ces endroits évitent l’utilisation de meubles dont les propriétaires ont préféré ne pas s’encombrer. Lumineuse, blanche essentiellement sauf pour les espaces des enfants joyeusement colorés, munie d’un éclairage étudié souvent imbriqué dans les faux plafonds, cette maison a su tirer parti avec beaucoup d’intelligence des défauts de l’emplacement en les transformant en atouts. Un pari très réussi.

 

En pratique
Architecte : Thierry Sherrington – Bureau d’architecture DSH
Année de construction : 2008-2009
Méthode de construction : traditionnelle
Superficie du terrain : 2000 m2
Surface habitable : 280 m2
Valeur K : 37
Niveau E : non calculé
Budget : non communiqué


Bron:
Bâtidéco - mai 2011 - auteur Viviane Eeman – photos: Laurent Brandajs

Ne manquez pas les dernières nouvelles de la construction!

Recevez nos mises à jour hebdomadaires pleines de conseils utiles sur la construction et la rénovation.

Souhaitez-vous lire cette brochure? Entrez votre adresse e-mail une fois