L'immobilier, prochaine victime de la crise?
Les Belges nourrissent un optimisme sans faille quant à la valeur présente et future de la brique, d'après l'enquête immoweb.be/Mon Argent. Le ralentissement de la demande et des prix depuis le début de l'année ne devrait-il pas les inciter à davantage de prudence?
On savait le Belge très attaché à la brique. On peut désormais affirmer qu’il place en elle une confiance aveugle en termes de croissance patrimoniale. Selon l’enquête menée par le site Immoweb.be et Mon Argent (résultats complets ce samedi 3 septembre dans notre supplément Mon Argent), près de 9 Belges interrogés sur 10 pensent que leur habitation va prendre de la valeur dans les 10 années à venir. Et deux tiers des sondés parient sur des prix immobiliers en hausse dans le futur.
A l’inverse des Bourses, l’immobilier monterait donc jusqu’au ciel. Mais les six premiers mois de l’année ont de quoi tempérer l’optimisme: en moyenne nationale, les prix ont reculé de 0,7%. Quant à l‘activité, elle recule aussi: "Une correction qui intervient plus tôt que prévu", constate Julien Manceaux (analyste chez ING).
Après le premier coup d’arrêt de 2009, voilà donc un deuxième coup de semonce. Or, bien que les prix aient gagné 115% depuis 2000 (!), plus d’un sondé sur deux estiment que la valeur de leur habitation va encore progresser de 4% par an ou davantage au cours de la prochaine décennie…
Un peu d’essouflement
Il y a cependant de bonnes raisons pour que le marché s’essouffle au moins temporairement. La capacité d’emprunt semble aujourd’hui à son maximum. Selon l’Union professionnelle du crédit, elle n’évolue plus guère depuis 2006 et tourne en moyenne autour des 125.000 euros par crédit hypothécaire.
De plus, si la demande est malgré tout restée soutenue jusqu’en 2008, c’était notamment en raison de la DLU. Celle-ci a encouragé le rapatriement légal d’importants capitaux. Mais la vague DLU est en train de mourir. Et l’aide des parents, souvent essentielle pour le premier achat immobilier d’un jeune couple, n’est pas sans illimitée: notre grande enquête révèle ainsi que 45% des Bruxellois reçoivent un "coup de pouce" parental. Dans 5% des cas, celui-ci dépasse même la moitié du prix d’achat… On peut, ici aussi, présumer de l’arrivée à un sommet.
Enfin, le ralentissement actuel du marché peut s’expliquer par l’assèchement momentané de la demande: l’annonce de la remontée des taux a encouragé, depuis un an, nombre de passages à l’acte.
Investir pour diversifier
Si le Belge est toujours prêt à acheter son logement, qu’en est-il d’un placement dans du résidentiel locatif? Un banquier d’affaires nous confirme que sa clientèle fortunée continue à "diversifier" dans l’immobilier. Mais le "petit investisseur" nourrit-il la même vision des choses? "Certains estiment que les nouvelles incertitudes économiques vont favoriser l’immobilier en tant que valeur refuge", rappelle Eric Meuris (Century21/Bureau Blavier, à Liège). "Mais nous pourrions aussi connaître le même phénomène qu’en 2008, quand les gens ont eu tellement peur qu’ils ne dépensaient plus rien du tout!" A voir la hauteur des montants accumulés sur les carnets de dépôt, on ne peut en effet ignorer cette possibilité…
Quoi qu’il en soit, on nuancera une autre affirmation partagée par nombre de personnes interrogées, pour qui l’investissement immobilier bat d’autres placements.
Cet optimisme, toujours lui, ne peut faire oublier les études chiffrées rappelant que, sauf exceptions bien loties, un rendement net de 3 ou 4% par an est la norme. De plus, miser sur la plus value à la revente–plausible, mais jamais garantie–ne relève en rien le rendement net annuel. Alors, rentable, oui, la brique l’est bien souvent. Mais à long terme.
Pas de krach
Faut-il en conclure que le marché immobilier belge pourrait brutalement basculer? L’environnement fiscal favorable à l’acquisition immobilière et la demande toujours présente – même si elle est en veilleuse le temps d’un orage – ne plaident pas en faveur d’un krach, d’autant que les prix du marché restent relativement raisonnables en Belgique, quoi qu’en pensent certaines institutions internationales.
"Ce qui est annoncé à un prix 'raisonnable' se vend toujours assez rapidement", confirme Vincent Dumont, directeur marketing chez immoweb.be. "En fait, les acheteurs acquièrent désormais une bonne maturité (ou une limite de solvabilité) et préfèrent attendre une meilleure affaire avant de sauter le pas de l’achat."
Acquérir de l’immobilier sera cependant de moins en moins aisé, affirment neuf sondés sur dix, persuadés que leurs enfants auront davantage de difficultés à devenir propriétaires, mais qu'ils le deviendront malgré tout...
Source: L'Echo