Fini, l’immobilier pour les notaires?
Au travers de leur "Ordre" (l’Institut des professionnels de l’immobilier, 9 000 membres) et d’un de leur "syndicat" ("Réflexions immobilières"), les agents immobiliers ont gagné une fameuse bataille lundi à la cour d’appel de Mons : les activités immobilières d’un notaire de Feluy ont en effet été jugées "contraires aux usages honnêtes en matière commerciale". Le tribunal l’a donc condamné à cesser "tout acte relevant de la négociation immobilière économique, définie comme la recherche d’acquéreurs en vue d’une vente immobilière de gré à gré, au moyen de publicités et annonces [ ] en contrepartie d’une rémunération proportionnelle au prix de vente annoncé [ ]".
"Le courtage immobilier est un acte commercial qui ne cadre pas avec l’activité notariale, traduit Me Christophe Taquin, l’heureux avocat de la partie gagnante. Le notaire est un officier de droit civil, une personne assermentée, à qui la loi interdit tout acte de commerce." Heureux ? Parce que cela fait dix ans que le problème est pendant. Avec une forte accentuation depuis le 14 novembre 2006, date de la parution d’un arrêté royal dit Onkelinx qui balisait l’activité de médiateur immobilier que peut jouer un notaire. "Un arrêté qui avait essentiellement pour but de protéger les consommateurs en interdisant que les commissions de courtage que s’offraient les notaires ainsi que les frais de publicité soient insidieusement imputées à l’acheteur. Mais le fait de les imputer au vendeur, revenait en quelque sorte à les autoriser "
Dans cette affaire, la Fédération royale du notariat belge et la Chambre des notaires du Hainaut étaient parties prenantes. C’est donc à l’ensemble des notaires de Belgique que cette "interdiction" est faite. Tel est du moins le point de vue des agents immobiliers qui se sont expliqués hier. Et de confirmer que "oui, cet arrêt rendu par la cour d’appel de Mons pourrait faire jurisprudence, et oui, il veut bien dire qu’à terme, les notaires ne pourront plus opérer de ventes de gré à gré", comme l’indique Hugues de Bellefroid, vice-président de l’IPI. Mais pour pouvoir réellement le voir appliquer, l’IPI "souhaite un dialogue au niveau national". Car ce n’est qu’au travers d’un accord entre les représentants des deux métiers que les choses se feront.
L’IPI ne cache pas que c’est une victoire pour ses membres - à laquelle il ne s’attendait pas vraiment, soit dit en passant - mais considère que c’est aussi une victoire "pour les notaires qui ne pratiquent pas le courtage immobilier", ajoute Hugues de Bellefroid.
En effet, entre ceux qui se contentaient des frais de notaires et ceux qui s’offraient, en sus, une commission de courtage (2 % du prix de vente), les honoraires passaient du simple au triple ou au quadruple.
Des questions restent toutefois posées. En cas de succession, par exemple : "Même dans ce cas, le notaire pourra conseiller mais pas faire de négociation immobilière ni toucher de commission", répond encore Hugues de Bellefroid. Autrement dit, il s’agira pour lui de présider une vente devenue de particulier à particulier. Justement, à ce propos, l’IPI est très claire : à ces ventes-là, il ne touchera pas.
Ah oui, ce n’est pas une surprise que ce jugement soit venu du Hainaut. C’est en effet dans cette province, ainsi que dans une partie de celle de Liège, que les notaires pratiquent hardiment la négociation immobilière; au point qu’elle représente la moitié des revenus de certaines études. Mais c’est surtout qu’aux yeux des agents immobiliers, ils la pratiquent de manière déloyale (les notaires sont dispensés de TVA) et pas toujours très déontologique (ils profitent de leur monopole dans le domaine des actes, font signer des contrats d’exclusivité excessifs, exigent la totalité des honoraires si la vente leur est finalement retirée et non la moitié comme le veut la loi pour les agents immobiliers, etc.).
Et les notaires, qu’en pensent-ils ? Globalement, que le courtage immobilier n’est qu’une pratique accessoire et est le prolongement de leur activité officielle. La Fédération n’a en tous les cas pas (encore) décidé si elle se pourvoira en cassation contre cet arrêt.
Source: La Libre