Faut-il se précipiter pour acheter de l'immobilier?
Le marché immobilier est à la croisée des chemins. Les risques s’accroissent et les experts pointent une possible surévaluation du marché. D’un autre côté, les taux sont faibles et les salaires restent globalement à niveau. Comment résoudre l’équation?
Rarement la confusion aura autant régné sur le marché immobilier. D’un côté, après des années de croissance soutenue des prix du marché résidentiel – un doublement en 10 ans -, les annonces d’une possible surévaluation se multiplient. Les études de la BNB, du FMI, de l’OCDE et plus récemment de The Economist, sur la base desdites études, ont pointé le niveau des prix a priori trop élevé du marché immobilier belge. De 15 à 20 % en moyenne.
D’un autre côté, les faibles taux d’intérêt dopent la capacité de financement des ménages belges. Et le niveau des salaires se maintient. "C’est vrai que le faiblesse de la conjoncture devrait mettre les salaires sous pression mais c’est un peu vite oublier que le marché de l’emploi est tout à fait inefficient en Belgique", estime Etienne de Callataÿ, économiste à la Banque Degroof. "Le chômage y est en effet installé de manière plutôt structurelle: les compétences entres inactifs et actifs sont à ce point différentes qu’il ne peut pas vraiment y avoir de compétition sur les salaires." Ces deux facteurs seraient donc plutôt favorables au marché immobilier.
Aînés moins nantis
Alors, faut-il vite acheter de l’immobilier? "La précipitation est mauvaise conseillère, surtout pour des dépenses d’une telle envergure", rappelle d’emblée Etienne de Callataÿ. "D’autant plus que je ne suis pas franchement favorable à l’achat immobilier à titre d’investissement pour le moment. D’abord, la faiblesse des taux actuelle pourrait n’être que temporaire si les risques inhérents aux dettes souveraines européennes pointent à nouveau le bout du nez. Ensuite, on peut pointer le contexte fiscal parmi les facteurs de risque. Il est tout de même fort probable que la fiscalité immobilière soit revue à la hausse prochainement. Cela a d’ailleurs été à l’ordre du jour plusieurs fois ces dernières années. Cela semblerait assez légitime au vu de la taxation élevée des revenus du travail", poursuit l’économiste.
Lequel pointe également l’essoufflement de la capacité des seniors à aider leurs enfants. "On peut se référer à cet égard à l’exemple du Japon. Depuis peu, on constate que le peuple japonais a tendance à désépargner. Ce phénomène s’explique en grande partie par la baisse du niveau d’épargne du côté des personnes âgées, lesquelles utilisent leurs deniers pour maintenir leur train de vie." Si les aînés peuvent moins subsidier l’achat immobilier de leurs enfants, il est évident que cela aura un impact négatif sur les prix du marché immobilier, en raison de la baisse de leur capacité de financement.
L’apport d’épargne
Julien Manceaux, économiste chez ING, abonde également dans ce sens. "On oublie un peu vite que les apports d’épargne - des parents - et la faiblesse des taux, notamment, ont permis aux candidats à l’achat de maintenir leur capacité de financement. Depuis 2004, l’apport externe d’épargne au financement a doublé, de 20 à 40%. C’est énorme, et très révélateur de la capacité de financement des Belges. On a un peu l’impression que leur épargne est un puits sans fonds mais cela ne peut pas durer. Un essoufflement des apports d’épargne me semble inéluctable en raison du vieillissement de la population et des besoins plus importants d’argent qui en découlent. "
Etienne de Callataÿ pointe un autre risque pouvant peser sur la capacité de financement des ménages: l’obligation éventuelle de transformer les capitaux perçus dans le cadre de formules d’épargne complémentaire. "Actuellement, les bénéficiaires d’assurances de groupe ou d’épargnes-pension ont le choix : soit ils prennent leur capital soit ils optent pour la rente. Mais si le gouvernement venait à supprimer la possibilité de prendre le capital d’un bloc, comme cela se fait déjà dans pas mal de pays européens, et à rendre la rente obligatoire, cela pourrait avoir un impact négatif sur l’apport d’épargne aux jeunes. D’autant que la rente s’éteint à la mort de leurs bénéficiaires… "
Et du côté des conditions de financement?
L’économiste d’ING est également très prudent quand aux conditions de financement. Depuis quelques années, les candidats à l’achat ont atteint les limites de ce qu’ils peuvent emprunter, ou presque, par rapport à leurs salaires. L’allongement de la durée des crédits pourrait être une façon d’augmenter artificiellement la capacité d’emprunt de ménages mais "les banques elles-mêmes ne peuvent plus se refinancer à des durées de 30 à 40 ans. Dans ce contexte, il leur est impossible d’accepter des crédits d’une telle durée", explique Julien Manceaux. De toute façon, avec les nouvelles normes comptables (Bâle III), les banques vont devoir soigner leurs ratios de liquidité, ce qui passera par une diminution des actifs plus risqués, tels les crédits hypothécaires de longue durée.
En brefPoints favorables au marché immobilierFaible pression sur les salaires (merci au papy-boom) = maintien de la capacité de financement
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Source: L'Echo