Réfléchir à la construction

Coup d’œil: Habiter dans une petite boîte

Certains architectes voient grand, d’autres savent que le grandiose se cache dans les petites choses. Daniël Troch appartient à la deuxième catégorie. Il a réussi à bâtir une petite boîte contemporaine, sobre et épurée, qui étire les perspectives bien au-delà des limites de la menue parcelle. Ingénieux et modeste à la fois, le concept visionnaire fera sans aucun doute des petits.


Daniël Troch nous prouve qu’un divorce ne tourne pas systématiquement au drame. Cet architecte a en effet construit une maison pour son ex-femme et leurs deux filles, en y mettant tout son cœur et son savoir-faire. Mieux encore – et à ses yeux, c’était la chose la plus normale du monde –, il a réalisé quelque chose de hors du commun. Pourtant, les cartes qui lui avaient été distribuées ne présageaient rien de bon, car le terrain mesurait à peine douze mètres de large. Soustrayez à cela la distance minimale à respecter par rapport aux limites mitoyennes, et vous obtenez six mètres de largeur bâtissable.

"La configuration de départ était atroce", reconnaît Daniël Troch. "Une bande étroite qui rebutait tous les acquéreurs potentiels." Mais Daniël s’est concentré sur les bons côtés de l’endroit, à savoir sa situation idyllique en plein cœur du village de Stekene, avec une vue pittoresque sur le clocher de l’église et à deux pas des magasins. Tout y respire les charmes de la vie villageoise d’antan.

 

Multipliable à l’infini

Dès le départ, l’architecte savait que cette parcelle requérait une ‘boîte à vivre’ dans la plus pure tradition Le Corbusier : sans fioriture, en toute simplicité, discrète mais fonctionnelle. Le concept épuré s’est donc imposé à lui comme une évidence. "L’implantation d’une boîte à vivre était un choix logique sur cette petite parcelle", constate l’architecte. "Il s’agissait de mettre à profit chaque mètre carré tout en créant une sensation d’espace à l’intérieur du volume compact." Ce défi, Daniël l’a relevé à bras-le-corps, comme pour prouver qu’avec une bonne dose de créativité, il est possible de réaliser de très grandes choses sur une surface limitée. "Les terrains à bâtir se font de plus en plus rares, les parcelles deviennent de plus en plus petites et les habitations quatre façades ne sont tout simplement plus dans l’air du temps. Dans le futur, nous vivrons regroupés dans des zones résidentielles. Cette maison s’inscrit à merveille dans cette tendance. Elle ressemble à un petit îlot, une unité indépendante pouvant être reproduite selon différentes configurations. Cette habitation pourrait être multipliée à l’infini."

 

Puzzle ingénieux

Si, à première vue, le plan et ses contours rectangulaires semblent assez simples, on s’aperçoit, une fois passé le seuil, que les pièces s’imbriquent comme un puzzle ingénieux. Daniël n’a pas perdu un seul centimètre et de cet agencement bien pensé découle un intérieur spacieux à souhait. Comme d’un coup de baguette magique, six mètres en paraissent soudainement seize. Tout commence dans le hall, où un miroir dissimulant les compteurs agrandit visuellement l’espace. Dans le séjour, Daniël a placé une (autre!) boîte, un modèle réduit recouvert de planches en chêne dont l’apparence chaleureuse contraste subtilement avec le sol en béton, le verre et les armoires blanches.

Le côté minimaliste de la maison s’en trouve adouci. La boîte miniature abrite des toilettes, un débarras et, à l’avant, une cuisine ouverte dont le plan de travail en granite Black Zimbabwe rappelle le sol en béton que revêt tout le rez-de-chaussée. L’effet n’est pas tout à fait le fruit du hasard. En limitant le nombre de matériaux utilisés, l’architecte a cherché à renforcer la sensation d’espace. Que vous vous trouviez dans la cuisine ou assis dans le canapé, la vue sur le jardin est omniprésente par ailleurs. Les deux derniers mètres du séjour ont en effet été rehaussés de trois mètres pour que vous jouissiez de la vue derrière la grande baie vitrée. Les fenêtres qui s’étirent sur toute la hauteur et la largeur de la pièce invitent royalement la nature dans le salon. Intérieur et jardin ont d’ailleurs été aménagés simultanément : ils sont tout simplement indissociables. Ainsi les nombreux éléments transversaux du jardin – plans d’eau, terrasse, abri de jardin – contribuent-ils à élargir visuellement le terrain. Les roseaux et les pierres de lave qui agrémentent le premier bassin filtrent l’eau de l’étang de baignade qui trône au fond du jardin. Le large bord fait quant à lui office de banc.

 

Soleil généreux

Alors que la plupart des maîtres d’ouvrage placent leur terrasse juste derrière leur maison, Daniël, lui, a préféré implanter un plan d’eau à cet endroit. L’été, l’eau projette des reflets dansants sur le plafond, tandis que la terrasse se situe en retrait, au milieu du jardin. Cette configuration soustrait le mobilier extérieur aux yeux des occupants de la maison. L’agencement, simple en apparence, est pourtant bien pensé et illustre toute l’importance que l’architecte porte aux jeux de lumière. La transparence tout à fait exceptionnelle de cette habitation est imputable à différents petits détails.

L’escalier a par exemple été détaché du mur et semble donc flotter. Au premier étage, le sol du hall de nuit s’interrompt de temps à autre pour laisser filtrer la lumière par des parois en verre et permettre la communication avec le rez-de-chaussée. Enfin, pour profiter un maximum du soleil, un miroir a été fixé au-dessus de l’imposante armoire en pose libre dominant le séjour. Cette astuce permet de réfléchir la lumière du jour sur le plafond. Le soir, cet effet est plus ou moins égalé grâce à l’éclairage indirect intégré aux meubles sur mesure. C’est peut-être la meilleure preuve que moyennant une bonne dose de créativité, il est possible de créer du grandiose sur une petite parcelle.

 

Unité

La force de cette habitation moderne réside indéniablement dans l’homogénéité de son concept, qui allie – avec génie – la construction durable et les perspectives généreuses, la lumière, la paix et le contact avec la nature. L’intégration parfaite de l’aménagement intérieur et extérieur, les techniques innovantes, l’utilisation parcimonieuse des matériaux et le souci du détail ont rendu ce résultat possible. On ne s’étonnera pas si l’escalier, les cloisons, toutes les armoires, la cuisine et la salle de bains ont d’abord été réfléchis dans les moindres détails avant d’être réalisés sur mesure.

 

En pratique

Architecte: Daniël Troch
Année de construction: 2005 - 2006
Méthode de construction: traditionnelle
Surface habitable: env. 185 m²
Superficie du terrain: 550 m²

 

Matériaux

béton, verre, crépi et planches en chêne

 

Agencement

Rez-de-chaussée: hall, séjour ouvert avec cuisine américaine
1er étage: trois chambres (dont une avec bureau), salle de bains
Chauffage: système de chauffage central avec chauffage par le sol

 

Mesures d’économie d’énergie

Isolation: murs 15 cm d’isolation EPS, sol 10 cm d’isolation PU, toit plat 20 cm d’isolation PU
Système de ventilation D avec récupération par la cave (préchauffage en hiver, refroidissement en été)
Chaudière murale à gaz à condensation relié à un chauffage par le sol
Éclairage économique et protection solaire

 

Budget

non communiqué

Batidéco - Texte: Sophie Allegaert - Photos: Jonah Samyn

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